REINE POKOU

[En création]

INTENTIONS D'ÉCRITURE ET DE MISE EN SCÈNE

De l’oralité au théâtre, le conte comme enjeu dramaturgique

«Une traversée fantastique !
C’est ce qu’a réellement vécu au XVIIIième siècle,
une reine, une femme : la légendaire Abraha Pokou.»

C’est ce que j’ai dit à ma fille Gabrielle, sept ans. Oui parce que Gabrielle ne comprend pas pourquoi jusqu’à présent elle n’a jamais eu le loisir d’assister à un de mes spectacles et que j’avais envie de tester avec elle l’histoire que je souhaite porter sur scène. « C’est une histoire vraie devenue conte et qui arrive jusqu’à nous grâce à des griots… des conteurs professionnels, tu vois, qui apprennent les histoires depuis tout petit par coeur pour les raconter à l’identique à chaque génération, un peu comme tes maths, tu vois ? Les maths, tu ne peux pas changer les règles, et bien là c’est pareil… Depuis tout petit ils apprennent des histoires par coeur les griots. Et chez le peuple Baoulé, l’histoire de la Reine Pokou a déjà fait frissonner des générations d’enfants… »

Et elle est déjà conquise.
« Conter est un art qui sert surtout à faire réfléchir. C’est comme une veillée le soir très tard où on chante et on danse mais où aussi on apprend à réfléchir… »
« Je vais pouvoir aller dormir très tard ? » qu’elle me demande.
«Non, non, tu sais bien que c’est à 20h que tu dois aller te coucher… »

Elle aussi comme tous les enfants essaye de « raquer » des minutes avant d’aller dormir.

« Attention, il y a dedans des événements terrifiants, même quelqu’un qui meurt… »
« J’ai l’habitude » me répond-elle.
« C’est quand même le fondement de tous les contes que tu m’as laissé regarder jusqu’à présent : la mère meurt, la mère est morte ou la mère va mourir, en général. »

Sauf qu’ici « l’enfant est mort » : littéralement.

C’est la traduction du mot Baoulé, nom du peuple de l’histoire que je souhaite mener jusqu’à nous pour l’inscrire dans nos cœurs, à nos oreilles et à nos lèvres.

« Oui c’est la première fois que je fais ça : écrire pour la jeunesse… ».

Je lui ai raconté : elle a pleuré elle s’est horrifiée, elle s’est émerveillée !

Je lui ai demandé en la voyant tremblante de larmes : « mais est-ce que ce n’est pas trop ? »
Elle m’a dit : « mais maman c’est important ce que tu vas créer là. Il faut savoir pourquoi cette femme est prête à jeter son enfant au fleuve va, dis-leur… »

Ensuite, on a discuté. C’était déjà un bord de scène. « Est-ce que toi ça va maman ? Est-ce que toi tu veux me jeter au fleuve ? Est-ce que tu ne devrais pas te limiter à un café par jour pour mieux gérer ton stress parce que dans C’est toujours pas sorcier ils disent que le café n’est pas si bon que ça et que le sommeil c’est mieux… ». Je lui ai rappelé qu’on ne parlait pas de moi évidemment.

Et elle m’a confirmé que cette femme était vraiment légendaire et qu’il fallait la porter à la pointe de mes bras comme on a fait pour Simba à sa naissance dans Le Roi Lion.
« Et c’est une fille aussi maman. C’est important de savoir ce que vit une fille. »

Voilà.
Forte de la confiance que seule peut insuffler une enfant de sept ans, je me sens prête à partager cette parole importante, la tragédie de cette femme et le questionnement qui en découle et me bouleverse.

Adapter Reine Pokou au théâtre, c’est le défi de donner à voir la traversée fantastique qu’a vécu la reine légendaire Abraha Pokou au XIXème siècle. Pour qu’une nouvelle génération d’enfants et d’adultes rêve, tremble, s’émerveille et se questionne.

Cette histoire est parvenue jusqu’à-moi par l’intermédiaire d’une autre femme, Véronique Tadjo, qui revisite, elle, depuis l’oralité vers le roman, cette histoire qui est le mythe fondateur de l’histoire nationale de la Côte d’Ivoire.

Avec Reine Pokou, je souhaite interroger le rôle, les devoirs et les limites de celui qui détient le pouvoir et ainsi explorer la volonté de puissance.

Par sa condition sociale élevée, Pokou incarne le puissant.

Le pouvoir se retient-il?
Nous est-il attribué ?
Le pouvoir s’arrache-t-il ?
A quoi sommes-nous prêts pour le conserver ?
Se retrouve-t-on à sacrifier tout pour lui ?

Peut-on déclarer, tel Gilles Deleuze, qu’il n’y a pas de mauvaise volonté de puissance et que seul le pouvoir questionne ?

Ici, ce questionnement s’incarne à travers le corps de femmes.
Le pouvoir de donner la vie ou pas est aussi interrogé au coeur de son histoire, dans sa difficulté à enfanter cet enfant unique. Quelles perceptions et quelles réactions dans les sociétés face à une stérilité, face une importante fertilité tout comme face au contrôle de sa fécondité ?

Je choisis de distribuer la parole à trois d’entre elles, des comédiennes ayant aussi les qualités de chanteuses et danseuses. Toutes trois représentent Pokou, dont l’une en tant que narratrice.
Le plateau est vide et l’esthétique de leur déplacement est au centre du travail.

Le déplacement des corps sous le poids de l’Histoire, de leur histoire, s’inscrivant sous nos yeux.
M’inspirant du chœur grec, voix et corps s’accordent et dissonent, se mélangent.

La création lumière habillera la scène afin de souligner les émotions portées par les comédiennes. Mon travail s’inscrit dans une esthétique sobre, radicale et résolument contemporaine.

Françoise Dô
Autrice et metteuse en scène
Décembre 2022

RÉSUMÉ

La mythique Reine Pokou sacrifie au fleuve son fils unique et tant désiré, pour que son peuple puisse traverser et échapper à ses poursuivants. Naît ainsi la nation baoulé, de «Baou-li» : l’enfant est mort.  Quelles sont les motivations de cette mère et femme de pouvoir ? 

Avec Reine Pokou, je souhaite interroger le rôle, les devoirs et les limites de celui qui détient le pouvoir et ainsi explorer la volonté de puissance. Par sa condition sociale élevée, Pokou incarne le puissant. Est-elle prête à tout ou doit-elle tout sacrifier pour son peuple ? 

Pour cette maquette, Je choisis distribuer la parole à trois femmes. 

Sur un plateau vide sont présents : une narratrice et deux reines Pokou aux desseins différents. 

M’inspirant du chœur grec, le chant et la danse sont au centre du travail de plateau. Je veux travailler en étroite collaboration avec un chorégraphe afin de diriger des comédiennes ayant des qualités de chanteuse et danseuse. 

Mon travail s’inscrit dans une esthétique sobre et résolument contemporaine. 

La création lumière habillera la scène afin de souligner les émotions portées par les comédiennes.

Ma compagnie Bleus et Ardoise est en résidence à Tropiques Atrium – Scène Nationale de Martinique. La maquette de Reine Pokou y a été présentée en juin 2018. 

Soutenue par cette institution, je souhaite poursuivre ce travail en vue d’une création théâtrale.

Ce projet multidisciplinaire se veut une dimension panafricaine et ferait intervenir des partenaires artistiques originaires de l’Outre-Mer et de l’Afrique Noire.

 

Françoise Dô
Adaptatrice et Metteuse en scène

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